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S'aimer soit-même est un acte de rébellion

Dernière mise à jour : 17 avr. 2021

Témoignages " Rebeldía y Sanación"

Festival FILMUFE 2018 à Oaxaca de Juarez


Pour marquer l'occasion du FILMUFE 2018 (Feria Internacional del Libro de Estudios de las Mujeres y Feminismos), des guérisseuses traditionnelles de communautés autochtones de Oaxaca ont été interrogées sur leurs expériences de santé et d'image corporelle féminine sous la pression de la société moderne, et voici ce qu'elles avaient à dire :



Comment le capitalisme agit-il sur notre santé ?


“Aujourd'hui on nous pousse à consulter des médecins, à prendre des médicaments pour faire taire nos maux sans les soigner, en nous faisant oublier que nous sommes les premiers acteurs de notre santé. Nous nous connaissons nous-même bien mieux que le médecin qui nous ausculte et devons réapprendre à mieux appréhender notre corps, à l’écouter, à chercher la provenance du problème, à prévenir plutôt que guérir. C’est ce que faisaient nos aînés avant la progression de la société occidentale. Il faut se rendre compte que l’industrie pharmaceutique a besoin de malades pour exister, elle a besoin de vendre des médicaments pour s’enrichir, de nous convaincre que c’est ce dont nous avons besoin, que c’est notre unique moyen de guérison et nous fait croire que la sagesse des peuples natifs ne vaut rien en comparaison à leurs savoirs scientifiques. Nous sommes des produits du système, on manipule notre façon de vivre, de penser. Nous prenons des médicaments pour faire taire notre douleur sans écouter ce que notre corps a à nous dire et ainsi elles reviennent car nous n'avons pas pris en compte la racine de cette douleur. Il est temps de récupérer notre corps !"


"La maladie est un déséquilibre émotionnel et / ou énergétique du corps. Nos grands-parents ont toujours traités les maux avec prévention, pour toujours avoir cet équilibre, et le fait de connaître votre corps et de l'écouter rend la prévention plus efficace, la guérison plus facile."


"Aujourd’hui on lutte de nouveau pour une alimentation saine, organique mais c'est toujours assez sélectif, c'est encore pour les riches, c'est cher et si un paysan voulait accéder à un buffet bio ce serait impossible pour sa bourse. Et ainsi l’histoire se répète.

Les aliments transformés que l'on nous vend et nous que nous consommons sont responsables de nos maladies! Ces entreprises, qui nous vendent cette nourriture qui nous rend malades, sont les mêmes qui nous vendent les médicaments censés nous guérir. Les études ont montré que notre nourriture indigène considérée comme la nourriture des pauvres, des sauvages, est une des plus nutritives du monde! Nous devons sauver notre sainte trinité: courge, maïs, haricot et apprendre à nos enfants à s’alimenter correctement et sainement pour sortir de l’emprise de l’industrie pharmaceutique. Nous n'avons plus le temps de rien, il faut travailler sans relache pour pouvoir se payer ces produits devenus indispensables à notre quotidien, on ne sait plus vivre sans supermarché, sans marques. On ne sait plus rien faire nous-même. Nous ne savons pas que nous mangeons, ou d'où il vient. Les gens travaillent sans arrêt, nous ne dormons plus. Ce système vole nos vies. Les films ont dit que les zombies venaient, je pense qu'ils sont déjà là, je les ai déjà vu à Mexico City, vous pouvez entrer dans le métro et les voir "


“Nous sommes manipulés avec la peur de la mort, au lieu de nous laisser vivre pleinement, ils nous font survivre. Pour ce système nous ne sommes que des produits de marchandisation, de la main-d’oeuvre, des petits soldats ouvriers sans capacités, de la matière remplaçable que l’on peut laisser de côté. On s'endette pour payer les médicaments qui nous rendent toujours plus malades. Le capitalisme agit sur nous par la santé avec le spectaculaire, votre gorge vous fait mal, ça pourrait très bien être un cancer et en plus, madame, vous allez mourir.. et maintenant le pouvoir de la peur fait son effet, on court acheter les drogues que le médecin nous a prescrites. “


"On nous fait croire que seuls certains professionnels peuvent nous dire ce que nous avons, mais qui vit dans ce corps depuis tant d'années moi ou le médecin? Qui peut en savoir plus sur votre corps que vous-même? Je pense que la chose la plus importante ici comme acte de rébellion est de reprendre la responsabilité de notre propre santé avec une nourriture saine, un rythme de vie humain, de l'exercice physique etc. Nous trouverons des solutions à nos problèmes en nous demandant : pourquoi est-ce que je ressens cela? Pourquoi est-ce que je vis cette situation? En quoi ai-je contribué à avoir cette maladie et comment puis-je contribuer à ma guérison? Et c'est quelque chose que nous devons enseigner aux enfants dès leur plus jeune âge, comment se connecter avec leur propre corps. Il est très important que nous réalisions que nous avons une alternative fonctionnelle à ce système."



Quelle est la place de la femme dans le système de santé actuel ?


“Le pire c’est de voir à quel point nous nous battons pour rentrer dans le moule de cette société malade en oubliant nos propres qualités. Il est temps de nous aimer, de nous accepter comme nous sommes, nous sommes en vie et c’est un merveilleux miracle. Nous ne pouvons espérer vivre sainement ensemble si individuellement nous sommes aussi malades, aussi perdus, aussi irresponsables. Nous devons nous soutenir et changer les choses ensemble. Ils commercialisent notre corps en nous faisant croire que sans hôpital il n’y a pas d'autres formes de soin possible, ou qu’elle est dangereuse, qu’elle causerait notre mort. On nous contrôle avec la maternité, car c’est seulement la femme qui doit prendre du poison pour contrôler la fertilité, c’est elle qui doit faire attention, c’est elle la responsable à tel point qu’on peut maintenant louer le ventre de la femme. Ceux qui ne peuvent pas avoir d’enfants peuvent louer le ventre d’une femme, une femme qui a besoin d’argent. Elle peut faciliter la vie de ceux qui veulent des enfants mais qui pense à l’enfant? Sa mère qui ne sera qu’un ovule, son père du sperme. Personne ne pense au traumatisme de la femme lorsqu’elle doit se séparer de l’enfant, à l’enfant qui a grandi sans celle qui lui a donné la vie loin de la relation sacrée qu’elle a construite avec lui pendant 9 mois, loin de celle qui l’a créé.


Donner la vie dans un hôpital, sans ceux qu’on aime, avec crainte et stresse, dans un endroit froid et stérilisé est un acte violent qui restera pour toujours gravé dans la mémoire du bébé. Alors qu’à la maison on peut mettre de la musique, être entouré des gens qu’on aime dans un lieu de confiance, on peut donner de l’amour dans cet acte magnifique. Mais on nous a transmis la crainte du danger, la nécessité de le faire avec eux et de payer afin de ne pas risquer la vie de la mère et du bébé. Car c’est la plus grande crainte de l’être humain: tomber malade, mourir et ça ils l’ont bien compris.


“Une autre forme de commercialisation de nos corps est la menstruation. Ils nous font acheter des produits contenant des substances chimiques qui nous font du mal à nous et à la planète, on nous voit comme une source de profits mensuels, nous font détester nos menstruations et déconnectent le lien sacré que nous avons avec notre corps, avec la lune.

Ils nous font détester ce corps, nous font croire que nous sommes laides, grosses, que nous ne rentrons pas dans le moule. Et on oublie que chaque seconde de notre vie, chaque cellule de notre corps, donne le meilleur d'elle-même pour faire de nous ce que nous sommes. La chose la plus triste est de voir combien se battent littéralement pour s'adapter à cette société malade : chirurgie, maquillage, cheveux... On nous apprend à avoir peur, de la mort, peur de vieillir, peur des rides, du vieillissement du corps, on veut arrêter le temps. Mais on ne peut pas. Le temps est merveilleux et sur notre corps s’inscrit l’histoire de notre vie, nos rides du sourire, les cicatrices de moments forts. Ils veulent que nous nous détestions pour nous forcer à acheter et nous forcent à nous regarder de l’extérieur pour oublier notre intérieur. Nous ne faisons que passer sur cette terre et nous ne laisserons qu’un grain de sable mais tout ça pourquoi si au final nous ne nous aimons pas? ”


Quelle est la place de la guérison aujourd'hui dans un système capitaliste avancé et alors quelle est la position politique des guérisseurs?


“Dans les pays occidentaux, la médecine alternative est un luxe et dans les pays du tiers monde c’est la seule alternative possible mais ici ils nous font croire que nos moyens de guérison n’ont pas de sens, alors que chez eux ils payent cher pour les utiliser. Il y a des files d’attente qui durent des journées entières devant les hôpitaux, car nous ne savons pas comment soigner les nouvelles maladies qu’ils nous ont apportées. En terme de santé mentale, dans certaines sociétés, un chaman est un schizophrène, un sauvage qui vit nu et n’a rien à enseigner aux hommes “évolués". Nous ne devons pas nous laisser ranger dans ces cases, je suis une femme sauvage et ils m'appellent "folle" pour vivre comme je veux en dehors de leur système et parce que je suis proche de mon corps et de la nature, ça ne touche pas, je suis folle mais je suis beaucoup plus saine que beaucoup d'entre eux. Chaque jour de nouvelles maladies sont inventées, ils veulent donner un nom, et surtout un médicament pour chacune de nos pensées, de nos sentiments. Nous devons nous opposer davantage à cela, et c'est notre une position politique.”


"Une fois, j’ai eu un patient médecin, venue me voir en détresse pour soigner une maladie grave, selon ses collègues il était en phase terminale et ses maux étaient causés par le stress d'une carrière infernale. Il m’a dit qu’aucun médicament ne l’aidait et qu'il ne savait plus quoi faire, nous avons donc utilisé la méditation, le reiki, un plan d'alimentation saine, les plantes ancestrales et il s’en est sorti ! On ne lui donnait pas deux ans à vivre et maintenant il est guéri. Et aujourd'hui ce médecin aimerait guérir ses patients de la même manière mais où il travaille personne ne le croie. Nous devrions avoir le droit de choisir comment faire face à ce que nous vivons, si tu as un cancer et veux faire une chimio, c'est bien, si tu veux guérir avec des plantes et du reiki ça devrait être tout aussi bien. Chacun doit être à même de prendre son chemin."

" Nous devons agir pour sauver nos pratiques ancestrales, parler des menstruations sans gêne ni peur, dire haut et fort que nous devons donner naissance comme nous le voulons, dire ce que nous pensons sans crainte, dire que nous ne sommes pas d’accord que c’est leur avis mais pas le nôtre ! C'est ça notre acte politique, la rébellion contre ce système commence par le sauvetage de nos racines, de notre alimentation saine et organique, par de l'amour-propre ! "


Comment différencier santé et guérison?


“La différence réside dans la manière de fonctionner. Tu as mal alors on te donne quelque chose pour faire taire la douleur, mais pour nous peuple natifs, la guérison réside dans la relation entre corps, mental, et esprit. Par exemple le Temazcal est un moment de guérison physique, mentale et spirituelle. Seule l'harmonie de ces 3 points essentiels de l’homme peuvent le guérir et le faire vivre sainement. Il y a tellement de choses simples dans la vie quotidienne qui te montrent qu’il y a un problème. Ton corps t’envoie des messages et toi seul peut les écouter. Si pendant 3 jours tu te réveilles à 3 heures du matin, alors il y a un souci. Chaque jour nous dopons et ignorons ce que notre corps a à nous dire, parce que tout arrive pour une raison, nous n'avons pas mal à la tête pour rien, notre corps nous met en garde, et c'est en ignorant ces signes que viennent les maladies graves. "


"La solution est collective, nous devons nous soutenir, avec amour, et répandre ces mots."


Corps et territoires - Rébellion et guérison

Les guérisseuses nous apprennent par ces témoignages forts et poignants que chaque jour nous sommes touchés par des tas de choses; virus, mots, jugements, amour, haine… La guérison est un processus de chaque minute qui ne doit jamais s'arrêter, c’est une responsabilité que nous avons envers nous-même. Loin des pratiques médicales occidentales et de l’addiction aux médicaments, les guérisseuses indigènes proposent d’autres méthodes alternatives de soins, beaucoup moins coûteuses, plus naturels et en harmonie avec notre corps, notre esprit et la nature. Durant le FILMUFE de nombreuses femmes ont pris la parole et ont soulevé des thématiques importantes sur la société d’aujourd’hui, des discours qui nous amènent à repenser notre façon de vivre, de nous soigner, et à reconsidérer la position de l’être humain dans société mais aussi dans la nature qui l’entoure.


La sanación es un estilo de vida.


Traduction Charlène B.

Stagiaire à Uekani - Art Ancestral

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